L'histoire, année 2007 : 1ère partie

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24/11/2007

38 Hospitalisation à Paris

Nous sommes installés dans la chambre 10 : une chambre double mais jusqu’au mardi, nous n'y serons que tous les deux. Ces journées furent interminables. Je n’osais pas te laisser seul dans ce service inconnu. Nous avions emmené un tas de DVD et de cassettes vidéo, des jeux de société et un tas de magazines pour nous occuper. Mais loin de la maison, ça n’était pas pareil, on n’avait perdu l’habitude de l’hospitalisation et de ses contraintes. La nourriture y était infecte. Et le plus souvent, j’essayais de te préparer autre chose, mais je n’avais pas l’habitude de ce service. Tu as maigri assez rapidement, tu avais vite été dégoûté de la nourriture et tu déprimais aussi d’être enfermé. Sans cesse, tu me demandais : « Maman, on rentre quand à la maison ? » Je savais que l’on n'était là que pour quelques jours, le temps de la cure, mais il y a toujours des imprévus. Et tu devais aussi ressentir mon angoisse et mon « ras le bol ». J’essayais de cacher mes sentiments au mieux mais parfois, c’est plus fort que nous. On ne peut pas faire semblant. Je ne rentrerai pas dans tous les détails durant ces 5 jours, mais je retiens juste que la communication avec le service n’était pas toujours des plus aisées. La disponibilité des médecins laissait quelque peu à désirer. On me disait sans cesse : "un médecin va venir répondre à vos questions ..." Les heures passaient, et personne ne venait.

Le mardi 22 mai, tu sortiras enfin de l’hôpital mais pas encore sans quelques difficultés. A 9hoo, le Dr vient dans la chambre, t’examine et nous annonce que tu peux sortir. Immédiatement, je contacte une ambulance, n’ayant plus la voiture. Je vais à l’accueil au rez-de-chaussée. Et là, on me demande les papiers de sortie. Rien n’était prêt alors là, je commence à bouillir. Pour t’occuper pendant tout ce temps, l’institutrice du service te fera la classe dans la chambre. On ne quittera pas l’hôpital avant 13h et nous n’avions même pas eu de repas. L’ambulancier, à ma demande, fera un détour pour m’arrêter dans un Macdo prendre des menus. Oui, je sais, ce n’est pas un vrai repas mais une fois de temps en temps, c’était ton petit plaisir (surtout pour le jouet). On arrivera à Ermenonville, vers 14h30. Enfin ! Loin de l’hôpital ... Ce n’était pas la maison, mais on ne pouvait pas rentrer à cause de la distance. Il pouvait y avoir des effets secondaires et le personnel préférait qu’on reste à proximité au cas où … Nous avons la chambre de ta cousine du même âge que toi. Elle partagera la chambre de sa sœur pendant notre séjour.

37 Paris

Le 1er mai 2007, tes déplacements sont de plus en plus difficiles. En quelques jours, l’aggravation se fait vraiment sentir. On va devoir refaire appel au fauteuil roulant. J’ai l’impression de repartir en arrière. La régression est nette et c’est difficile pour tout le monde de l’accepter après tant d’effort et de progrès depuis tellement de mois. Le 2 mai, avant de rentrer en Alsace, nous passons par Paris, plus précisément par Garches. Nous avons rendez-vous avec le Dr D., dernier espoir au vu de la progression. Ce médecin nous reçoit au rez-de-chaussée du service d’oncologie. On restera plusieurs heures, le temps de faire connaissance, de faire le bilan de ton histoire (bien trop souvent racontée). Tu auras en cadeau de la part du service la panoplie de Batman et ta sœur recevra aussi quelques présents. Quel accueil chaleureux ! On prendra rendez-vous pour le 17 mai pour faire le bilan de la situation et commencer un éventuel traitement. Auparavant, un autre oncologue sur Paris te verra et te suivra en parallèle de ce médecin. En fait, tu suivras deux traitements qui se complètent. Les navettes entre Paris et l’Alsace vont démarrer. Très vite, nous allons décider de loger chez ta tante, pour limiter la fatigue et les frais, qui habite à Ermenonville (60km de l’hôpital). La séparation d’avec ta sœur va te rappeler Strasbourg et il va nous falloir trouver une solution. L’année scolaire n’est pas terminée et ta sœur est en 6ème. Elle nous rejoindra, un week-end sur deux, avec ton père. Plus de 500 km nous séparent, alors pas facile de tout gérer.

Jeudi 17 mai 2007. Je prends la route pour Paris, la voiture chargée de bagages. C’est Sophie, mon amie d’enfance, qui sera notre chauffeur. Elle est venue de Dijon pour nous chercher et nous y conduire. Elle fera même le retour dans la journée. Départ 10h30. Vers 13h, on s’arrête sur l’autoroute pour se restaurer. On a l’impression d’être sur la route des vacances mais, très vite, on réalise qu’il en est tout autrement. Elle te gâtera encore en t’offrant des voitures de Spiderman avec un appareil pour les éjecter, et une tenue de Spiderman. Puis, vers 16h on fera un autre arrêt pour prendre un petit goûter. On prendra vraiment tout notre temps pour arriver. Eh oui, pas pressé pour être hospitalisé. D’ailleurs, en arrivant on nous dira : « On vous attendait bien plus tôt !» ; Et alors, ce n’était pas si pressé. De toute façon, tu n’as eu aucun soin ce soir-là Damien et mon amie Sophie.

36 Alençon (L'aggravation)

Quelques secondes après la prise de cette photo, tu tomberas. Tu me diras qu’il y avait un trou, tout en pleurant. Mais je regardais discrètement, il n’y avait pas de trou, aucune raison de tomber. Il fallait trouver une raison indépendante de toi. Et je l’ai trouvé, c’était les chaussures … Tu as beaucoup fait de vélo cette semaine-là, avec ton tricycle. Avec le recul, on se demande encore comment tu as pu faire avec tous ces problèmes. Mais tu voulais être plus fort que la maladie. Pour rien au monde, tu l’aurais laissé te voler ces moments de plaisir. Tu as profité de chaque instant et le temps (la météo) y était encore propice. Qu’est-ce que tu as pu en faire des tours, de la maison de Papy et de Mamie, avec cette poussette ; cette vieille poussette que Mamie voulait jeter mais depuis, elle s’est ravisée. (Elle la gardera en souvenir de toi et des bons moments passés avec.) En fait, elle te servait de maintien mais toi tu nous faisais croire autre chose.

35 Alençon

Le samedi 21 avril 2007, nous avons rendez-vous chez un ophtalmologiste de renom à Vire. Il nous apprend une très mauvaise nouvelle : Tu as une cataracte, inopérable pour l’instant. Tu ne vois presque plus, tu as perdu plus de 6/10 à chaque œil et on ne peut rien faire. On lui demande l’origine : la radiothérapie. Décidément, elle t’aura fait non seulement perdre l’audition et maintenant la vue. Cela explique une partie de tes chutes et de tes grandes difficultés en lecture. Mais on ne sera pas au bout des mauvaises surprises en quelques jours. Dimanche soir, nous prenons la route pour Alençon car, lundi soir tu passes une IRM de contrôle. Et oui ça peut surprendre, mais à Nancy plus question d’IRM, ça ne sert à rien, d’après le prof. C. .Puisqu’on connaît l’issue, pas besoin de voir à l’avance. Alors on passe par un autre médecin pour les effectuer. L’IRM est catastrophique : C’est de pire en pire et les symptômes commencent à apparaître. Tu tombes de plus en plus souvent. Et quand on te demande si ça va, tu réponds : « Arrêtez de vous inquiéter pour moi, je vais bien ! ». Nous avions compris … La maladie progressait très vite et tu le savais, mais tu voulais nous épargner, comme tu l’avais toujours fait. Les rôles s’inversaient.

(Sur ton tricycle fin avril 2007)

34 Dieppe (la suite)

Après cette parenthèse, qui était nécessaire, revenons à Dieppe, ce 14 avril 2007. Papa découvre la nouvelle maison de Papy et Mamie, puisqu’ils ont déménagé fin janvier de cette année. On profite de chaque journée, tout ce qui te fait plaisir fait l’objet d’activités journalières. Parc d’attraction, mini-golf, restaurants, ... (Voir les photos.)

33 Les photos (suite)

Avec tes cousins et tes grand-parents.

32 Photos des vacances de Dieppe

                                       Avec ton père.

31 Dieppe

On commencera par Dieppe, là où je suis née, ce qui nous permettra de revoir toute ma famille. C’est près de la mer mais, en cette saison, pas question de se baigner : l’eau à moins de 15°, très peu pour moi ... Un grand vide s’installera néanmoins, ton arrière grand-mère, Simone, âgée de 95 ans, nous a quittés le 28 février 2007. Nous n’avons jamais pu la revoir vivante depuis notre dernière visite d’avril 2005. Nous habitons à 650 km de chez elle et la maladie ne nous laissait pas la possibilité de faire comme on aurait voulu. Je lui donnais régulièrement des nouvelles par téléphone et je lui envoyais des photos, mais rien ne remplace une visite. Le mercredi 28 février 2007, j’avais enfin pu organiser une visite surprise pour Mamie, nous avons pris la route tous les trois (ta sœur, toi et moi, ton père restant en Alsace pour le boulot) pour la Normandie. On devait d’abord faire une halte par la Basse-Normandie, chez tes grands-parents. A peine étais-je arrivée à destination que mon portable sonnait. Ton père m’annonçait que ma grand-mère avait eu un accident cérébral, qu’elle était dans le coma. Une heure plus tard, le téléphone sonnait pour m’annoncer que c’était fini, elle était décédée. Tout s’écroulait, la surprise, j’arrivais trop tard. Je me suis effondrée en larmes. Je m’en suis voulu. En fait, on aurait dû arriver une journée plus tôt mais c’est à cause du prof. C de Nancy qu’on a dû retarder notre départ, il voulait absolument te revoir le mardi 27 février. Je me souviendrai toujours de ta réaction quand j’ai du t’expliquer ma tristesse. Je t’ai annoncé avec prudence le décès de ma grand-mère et tu es resté sans voix. Tu l’aimais beaucoup … Tu as retenu tes larmes pour ne pas en ajouter aux miennes. Et ta sœur, rien à voir. Elle m’a dit « Ben quoi, c’est normal, elle était vieille !». Je suis tombée de haut, elle n’a pas saisi l’importance de cette perte pour moi alors que toi, seulement âgé de 8 ans et demi, tu avais compris. Je ne t’ai pas emmené à l’enterrement mais plus tard, je t’ai emmené sur sa tombe. Amélie est restée en retrait. Je pense qu’elle faisait un lien avec toi et qu’elle ne voulait pas voir d’avance ou tu serais un jour. Toi, tu as dit tout simplement "Alors, Mamie est ici ? ... Alors, c’est bien." Tu n’avais aucune crainte, tu étais très serein. Cela m’avait épaté. Tu n’avais pas peur de la mort. Incroyable !

Ma grand-mère, Damien et sa sœur, 2 ans plus tôt.