L'histoire de mai à déc. 2004 (2éme partie)

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14/09/2008

286 NANCY

L'hôpital de Nancy.

Voici l'entrée de l'hôpital, où Damien a été suivi d'octobre 2004 à avril 2007. La chambre qu'il occupait au 2ème étage donnait vue sur l'entrée en-contre-bas. J'ai souvent fait les cent pas, devant cette entrée, pour m'aérer, quand je n'en pouvais plus de cette lourdeur de maladie et de tout ce qu'elle impliquait.

La salle d'attente de l'hôpital de jour.

Nous avons passé des heures dans cette salle d'attente avec Damien. Le baby-foot, plaisir de Damien, permit de rendre l'attente un peu plus agréable, enfin surtout pour Damien !!!

J'ai l'impression que c'était hier. Aujourd'hui, je regrette presque cet endroit. Non pas que j'aimais y venir, loin de là ! Mais Damien était encore vivant, avec nous, en ce temps-là ...

09/12/2007

93 Conclusion de cette prise en charge

La rééducation a pu être très diversifiée. Tes progrès quotidiens ont été une source d'encouragement non seulement pour toi mais aussi pour nous et ont permis de varier les exercices. Présentés sous formes de jeux, ces exercices t'ont beaucoup plu. Tu as toujours été très actif et tu as toujours coopéré lors des séances de rééducation. Tu as également commencé à prononcer quelques syllabes mais la prononciation restait très saccadée. Le premier son, tu le sortiras à Mamie Marie-France : le son "A". Pour certains, ça signifiait pas grand-chose, mais pour nous, ce jour-là, c'était une porte qui s'ouvrait sur un espoir de retrouver l'usage de la parole. Tu as une meilleure coordination des gestes. Tu es capable de te redresser sur les coudes et tu peux lever un membre supérieur pour attraper un objet devant toi. Le passage assis puis sur les talons ne présente plus de difficulté. Tu es capable maintenant de tenir la position à quatre pattes. Tu arrives à ramper, tu coordonnes tes membres supérieurs et inférieurs en croisé. Assis au bord du lit, tu le fais seul maintenant et tu tiens la position sans tomber. En revanche, lorsqu'on te déséquilibre, ta réaction est encore lente et tu as de grandes difficultés pour te rattraper. Debout, tu tiens seul mais il y a quelques oscillations du tronc et tu as besoin de te tenir ou d'avoir une aide extérieure. Tu marches en poussant le cadre seul, tes pas sont plus précis mais encore un peu irrégulier. Tu peux marcher 5 minutes avant de ressentir la fatigue et d'être obligé de faire une pause. Maintenant, tu peux participer à ta toilette, au repas et tu commences à jouer avec les autres enfants hospitalisés. Le relais maintenant sera repris par Mulhouse à partir de mi-septembre.

92 Le ballon

Equilibre sur un ballon. Pieds au sol et mains sur les genoux, tu dois te redresser par auto-grandissement pour travailler le tonus postural du tronc. Puis Nicolas va donner de légers mouvements au ballon, ce qui te déstabilise et t'oblige à contrôler ton équilibre. Tu détestais cet exercice.

91 Les débuts de la marche

La rééducation de la marche n'a été entreprise qu'au bout de 10 jours. Un cadre à roulettes est utilisé pour te permettre de te tenir et t'assurer un équilibre manquant. Au début, il faut te soutenir sous les bras et t'aider à pousser le cadre (qui est bien trop vieux et bien trop lourd). Tu ne contrôles pas le passage du pas. Ton pas est désordonné. Pour travailler la coordination et lutter contre la dysmétrie, Nicolas utilise des repères au sol pour poser les pieds et ainsi réguler les pas. Tu marches ainsi quelques mètres. Petit à petit, une longueur de couloir peut être effectuée avec moins de difficultés. Après 15 jours de rééducation de marche, tu marches tout seul avec le cadre, seule une petite aide pour avancer le cadre qui est bien trop lourd. (Rapidement, on y remédiera par un plus léger de couleur rouge). Ce cadre accroche sans cesse et te déstabilise.

90 Les progrès

Ces exercices se faisaient au quotidien ... et les progrès se voyaient de jour en jour.

89 Photos des mouvements.

L'exercice se fait sans l'appui des mains, puis en soulevant un pied, puis l'autre ...

88 Les exercices

Nous allons donc tout mettre en œuvre pour que tu puisses retrouver l’équilibre et un maintien postural, nécessaire à la station debout et au bon déroulement de la marche. Avec l’aide de Nicolas, nous allons te faire travailler la coordination des membres inférieurs pour le passage du pas au cours de la marche, ainsi que les membres supérieurs, pour te permettre d’avoir le maximum d’autonomie, autonomie normale pour un enfant de 5 ans et demi et lutter contre un éventuel retard dans ton développement psychomoteur. Très vite, Nicolas va comprendre que le seul moyen d’y arriver, ce sera en utilisant des jeux de ballons, des moyens ludiques, l’imaginaire. Il respectera ta fatigabilité et mettra toujours en valeur tes capacités et valorisera tes progrès.

87 La rééducation et Nicolas le kinesithérapeute

Du 18 juin 2004 au 16 juillet 2004, tu as été pris en charge pour ta rééducation par Nicolas, un stagiaire en kinésithérapie à Strasbourg. J’aimerais revenir sur cette période plus en détail car ce fut des moments difficiles mais aussi de bonheur. Comme je l’avais déjà relaté, tu es opéré depuis le 25 mai 2004. L’opération aura duré plus de 7 heures. Tout a l’air d’aller bien à ton réveil mais ce n’est qu’en apparence. Tu es conscient, tu nous dit quelques mots et tu n’as pas l’air d’avoir de troubles neurologiques. Mais le 26 mai dans l’après-midi, ton état s’aggrave : tu es agité, tu as des troubles de la conscience et des mouvements anarchiques des membres. L’examen neurologique montre un nystagmus rotatoire et une mydriase bilatérale réactive avec des réflexes symétriques. Tu réponds aux ordres simples et tu présentes des troubles cérébelleux. Le 4 juin, tu passes un IRM de contrôle. Celui-ci montre un élargissement post-thérapeutique du 4ème ventricule, une dilatation du système ventriculaire sus-tentoriel, un élargissement des espaces péri-cérébraux dans les régions temporales et frontale antérieure mais il n’y a pas de signes évidents de récidive tumorale. Tout cela peut paraître un peu barbare mais cela permet de mieux comprendre ton état et de mieux l’imaginer. Des séances de kinésithérapie sont alors prescrites, avec pour objectifs de rééduquer la coordination et la stabilité. Elles seront journalières et d’une durée d’une heure. Lorsque Nicolas te prend en charge, le 18 juin, il constate ce que nous vivons depuis près d’un mois. Tu as des troubles du langage, tu ne parles plus et les troubles cérébelleux sont bien marqués. Tu as un peu retrouvé la vision et tu as toujours des corticoïdes. Tu es très fatigué, ta nuque te fait souffrir lorsque tu te forces à la maintenir plusieurs minutes. Le seul moyen de communication dont tu disposes à ce moment-là sont les gémissements. Pour la plupart du temps, tu es allongé sur ce lit d’hôpital ou installé dans un fauteuil. Mais pour que tu puisses tenir, il faut te caler avec des oreillers pour éviter que tu ne chutes sur le côté car tu n’as plus de maintien postural spontané. Lorsqu’on te met assis au bord du lit extérieur, tu as une attitude cyphotique, ta tête tombe en avant. Cet affaissement complet de tout ton rachis est un signe d’une hypotonie axiale importante. Ta cicatrice est verticale, médiane dans la nuque, sur une longueur de 10 cm. En position assise, tu ne peux maintenir ta tête et tu la laisses tomber en flexion. Ta vision nous inquiète beaucoup mais, par des activités ludiques que je te fais faire, nous constatons que tu es capable de reconnaître les formes et les dessins. Tu fixes pour regarder la télévision et les personnes, mais on voit bien qu’il y a quelque chose d’anormal dans ta vision. Les exercices continuent. Nicolas, le kiné, te demande de résister lorsqu’il te déstabilise les bras brusquement. Tes bras oscillent avant de revenir à l’horizontal. Dans la même position, il te demande de faire un geste que tu détestes et détesteras jusqu’au bout. Tu dois toucher le bout de ton nez avec ton index le plus rapidement possible. Tu trembles à l’approche du nez et ton doigt dépasse la cible. Il y a une dysmétrie aux membres supérieurs. Tu es incapable de faire le signe des marionnettes avec les mains. Tu es incapable de réaliser un mouvement précis pour l’instant. Et c’est la même chose avec les membres inférieurs. En conclusion, pour l’instant, tu es totalement dépendant pour les repas, la toilette, les déplacements, pour t’habiller, en fait pour toutes les activités de la vie quotidienne. Ne parlant toujours pas, nous avons installé un système de communication : pour dire « oui », tu lèves le pouce, et pour dire « non », tu le baisses. A ce stade tu n’as pas d’équilibre, tu ne tiens pas les positions assise et debout et la marche est impossible. La motricité non coordonnée fait qu’il n’y a pas de précision dans tes gestes et tu ne contrôles plus ta force musculaire. C’est comme si on demandait à un nouveau-né de faire ce qu’est capable de faire un enfant de 6 ans. Tu dois tout réapprendre mais nous sommes là et déterminés.

24/11/2007

13 La pause du port-à-cath

Après la pause du port-à-cath, le 12 novembre 2004, on te demande de rester encore une journée en observation à l’hôpital de Nancy. Pas le droit de rester la nuit à tes côtés. Encore un déchirement pour nous de devoir te laisser seul. Tu partageras la chambre avec une petite fille d’environ 5 ans. Nous avons pris une chambre dans un hôtel à quelques centaines de mètres de l’hôpital, près du Quick. Pas de chambre disponible à la maison des parents pour une si courte période. On te quitte vers 20h30 et nous te promettons de revenir très tôt. Malheureusement, les visites ne sont autorisées qu’à partir de 11h. Mais on arrivera quand même un peu avant. Ça me change beaucoup de Strasbourg, moi qui arrivais toujours, au plus tard, à 7h du matin. De plus, la toilette du matin était prise aussi en charge par le personnel du service. Je ne faisais plus rien : A Nancy, on nous décharge complètement de notre rôle de maman. A 13h00, enfin, on peut quitter le service pour rejoindre notre maison. 150 km nous séparent de la maison : 2 heures de route. Ce trajet, nous le répèterons des dizaines et des dizaines de fois. Tu n’es pas en superbe forme, mais qu’importe, on préfère être à la maison.

Tata Laure et tonton Philippe viendront te rendre visite depuis Grenoble. Ce sera dur pour eux, te voir comme ça, sans force, sans cheveux, avec de grandes difficultés pour te comprendre. Nous, on s’est habitué à cette situation, mais on en prend vraiment conscience, que lorsque tu reçois de la visite, et que les personnes qui ne t’avaient pas revu depuis ce fameux jour, du 17 mai 2004, montrent leurs sentiments de souffrance et de tristesse. Mais tu n’aimes pas ça et tu leur fais bien comprendre. Tu ne veux pas que les gens soient tristes en te voyant, tu ne veux que des sourires, tu refuses la pitié. Ça m’a toujours marqué. Tu ne veux pas non plus qu’on te touche, tu as été tellement tripoté par ces médecins, tu ne le supportes plus … Pas de bisous, sauf de ton papa, de ta maman et de ta grande sœur.

12 Prise en charge à Nancy

On remarquera que, sur presque toutes les photos, tu as le sourire. La maladie ne t’a jamais pris cela, c’était ta force ! Mercredi 1er septembre 2004, on doit remonter à Strasbourg, le radiothérapeute veut te voir pour faire le point sur son traitement maintenant achevé. (63 séances bi-fractionnées de rayons : une séance le matin, vers 9h et une autre vers 16h.) C’est censé être moins agressif. Tu parles … On a rendez-vous à 10H, on patiente près d’une heure trente avant que MR ne daigne nous recevoir. Et là, c’est le bouquet : Il te regarde et dit d’un air très hautain : "Tu ne marches toujours pas ?" Quel abruti ! J’aurai pu le "baffer" ... Mais il croit quoi, celui-là ??? Il ne se rend même pas compte de tous les progrès que tu as fait depuis le 26 mai , jour de l’opération. Incroyable ! Des gens pareils : Vraiment à vous décourager ! Pire encore, il te demande de faire quelques gestes de précision. Ça te « gonfle », comme d’habitude : mettre le doigt sur le nez, écarter les mains en équilibre, etc. Tu les connais par cœur ces gestes mais tu sais aussi pourquoi on te les demande. Et tu refuses de t’exécuter. Le médecin se fâche ! Il dit ne pas avoir à perdre de temps, c’est limite s’il ne nous éjecte pas de son bureau ! C’est la dernière fois que l’on verra ce "spécialiste". On décide de lui écrire par la suite, pour lui faire part de notre mécontentement. Pourquoi n’a- t-il pas cherché à te comprendre, à se mettre un peu à ta place ? Et puis, pour nous aussi, notre temps est précieux. Déjà qu’on venait de faire 125 km, un retard impardonnable, aucun égard … Une raison de plus à nous pousser à chercher un suivis hospitalier ailleurs …

Le mercredi 6 octobre 2004 : un tournant dans ta vie. On décide de rencontrer un professeur à Nancy, spécialiste de ta maladie. On découvre son existence par internet. Ton papa lui écrit le lundi 4 octobre par ce moyen. Le jour même, il nous répond. Le rendez-vous est pris pour 12h00. Il nous reçoit dans un minuscule bureau, mais la discussion nous plait vraiment. Il accepte de te prendre en charge mais, comme on a commencé un protocole sur Strasbourg, il ne peut plus le changer. La première cure sera faite à Strasbourg le 11 octobre et la suite, à Nancy. Il faut quelques jours pour tout mettre en place. Ton dossier est toujours à Strasbourg et nous avons de grosses difficultés pour le récupérer. Le prof. C se fâche au téléphone et ils acceptent enfin de le transmettre. Il faut savoir qu’on a tous le droit au soin et qu’on est libre de choisir l’endroit où l’on veut être soigné. Personne ne peut s’y opposer ...

La première chimio se fait donc le 11 octobre 2004 : Tu n’as même pas de cathéter ni de port-à-cath. On ne savait même pas que ça existait. Depuis le début, tes cures de chimio sont faites directement dans une veine du bras. On apprendra par la suite par le prof. C que c’est inadmissible et inconscient. Il acceptera de s’occuper de toi qu’à condition qu’on te pose au préalable un port-à-cath. Pas de problème, on accepte et l’opération est prévue pour le 12 novembre 2004. Tout se passe bien ! Mais au réveil, tu as mal au bras, tu ne peux plus le bouger. Heureusement, ça ne durera pas. Les chimios seront donc dorénavant passées par ce moyen. On était plus rassuré à Nancy. Il avait l’air de mieux connaitre son boulot.

Pour anecdote, quand on était à Strasbourg et que Damien était reçu en consultation avant chaque chimio, le prof L. nous demandait : "Alors, comment il s’appelle votre fils ?" Cela faisait déjà 6 mois qu’il le suivait et il ne connaissait toujours pas son prénom !!! Pire encore : il avait un gros classeur devant lui contenant le protocole. Il l’ouvrait devant nous et disait : "Alors, on en est où ? On va faire quoi aujourd’hui ?" De quoi paniquer ! Et quand on lui posait des questions, il disait : « Arrêtez donc avec vos questions ! Mais qu’est-ce que vous allez chercher là ? Nous sommes médecins, nous savons mieux que vous. Faut nous faire confiance ... » Et, puis quoi encore ! On leur a fait confiance et voilà ce qu’ils avaient déjà fait de Damien.