8 Le calvaire

Avant de continuer à parler de des différents traitements, j’aimerai revenir sur la période, ô combien difficile pour nous, de l’après opération. Cette photo a été prise à la maison le 1er juillet 2004. Tu es sur ton lit. Comme on peut le constater, nous avons dû lui mettre une barrière pour que tu ne tombes pas la nuit. Pour que tu puisses tenir assis, il fallait te caler et même ta tête ne tenait pas encore bien. Nous avions même installé une sonnette que tu gardais tout près de toi, en permanence. Nous habitons une maison à étage et ta chambre se trouve au second étage. Sans ce moyen, nous n’aurions pu t’entendre nous appeler en cas de besoin. Le récepteur se trouvait au 1er étage, là où nous passions le plus clair de notre temps. Tu n’avais toujours pas retrouver l’usage de la parole, et la communication était très difficile. Nous avions dû te remettre des couches puisque, non seulement tu ne pouvais te déplacer seul mais tu ne pouvais communiquer pour exprimer tes besoins. Je le voyais bien que tu avais du mal à l’accepter. J’avais beau t’expliquer qu’on avait pas le choix, que ce serait provisoire, tu te sentais très humilié. Oui, toi qui avait été propre très tôt … C’est inimaginable ce que tu as pu endurer à cause de cette maladie.

Pour exemple : quand tu étais à l’hôpital, je me souviens un jour où je suis arrivée très tôt le matin vers 6h00 : A peine étais-je rentrée dans le couloir du service qu’une odeur nauséabonde remplissait celui-ci. Et plus je m’approchais de ta chambre, plus l’odeur devenait forte. Inimaginable ! Ta couche était pleine, non seulement d ‘urine mais aussi de selles. Et je peux dire, sans aucune incertitude, que ça ne venait pas de se faire. Quand j’ai commencé à te déshabiller, quelle ne fût pas ma surprise de découvrir que cela avait débordé dans ton dos jusqu’au cou. C’est honteux de laisser un enfant dans cet état ! Je me souviens de ces hurlements que tu poussais pour que quelqu’un vienne et fasse quelque chose. Tu n’avais pas de problème d’incontinence, non, pas du tout, tu ne pouvais simplement pas communiquer pour exprimer tes besoins. Si je n’étais pas venu si tôt, je me demande combien de temps tu serais resté encore dans cet état ... Après t’avoir fait une grande toilette et t’avoir changé, t’avoir fait tout beau tout simplement, je suis allée directement dans le bureau des infirmières ; et là, j’ai poussé une colère comme vous ne pouvez pas l’imaginer. "C’est pas possible !" leur ai-je dit. Cela sentait dans tout le couloir, c’est impossible de ne pas s’en être aperçu et ses cris de détresse … "Vous êtes sourd ou quoi ?" Depuis ce jour, je venais très tôt le matin et partais très tard le soir, à plus de 21h. Mes journées étaient épuisantes, j’avais perdu près de 5 kg en peu de temps en sachant que je mesure 1,60m et pèse normalement 49kg. Mais il n’était pas question que je t’abandonne à ces gens sans scrupules. On n'avait pas le droit de rester la nuit mais si j’avais pu, je l’aurais fait. Je faisais tout : te donner à manger, te laver, t’habiller, te stimuler, te parler, jouer avec toi continuellement pour rebâtir ces connexions détruites par l’opération. Mais ces efforts ont payé. A force de persévérance, tu as commencé à revivre, à retrouver quelques fonctions. D’abord, tu avais droit à l’eau gélifiée puis avec le temps, on t’a réapprit à boire à la paille. Tu te nourrissais uniquement avec des aliments mixés. Peu à peu, tu as repris du poids. Il faut savoir que tu avais 5 ans et demi, tu mesurais 1,14 mètre et tu pesais plus que 16 kg. Tu es remonté à 22 kg, poids que tu n’auras jamais dépassé même à près de 9 ans. Cette maigreur me faisait peur. Ta persévérance, ton courage, ta détermination t’ont toujours servi. Voilà une période qu’on ne peut jamais oublier. Même pour toi, je sentais bien qu’elle t’avait traumatisé. Mais qui ne le serait pas ?

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