46 A la maison

La nuit fut tranquille pour moi. J’ai très bien dormi. Je te savais tout près de moi, et puis ton père, qui a un sommeil très léger, veillait sur toi. Alors, s’il y avait eu quoi que ce soit, il m’aurait réveillé. Cette nuit fut très réparatrice pour moi. Finis les dérangements incessants des infirmières dans la chambre tous les quarts d’heure. Le calme après la tempête. Et puis, c’est un nouveau rythme à prendre. Les infirmières qui sont au nombre de deux arrivent vers 9h pour faire ta toilette et changer toutes les perfusions. Tu n’es plus nourri depuis vendredi, tu perds énormément de poids. Les médecins disent que te nourrir, nourrit aussi la tumeur. Mais on ne peut pas te laisser dépérir de faim. En fait, les médecins ne pensaient pas que tu résisterais aussi longtemps. Mais voilà, tu es toujours là, bien présent, avec nous. Tu n’es pas décidé à nous quitter. Non, tu en as décidé autrement. Alors, il faut que nous prenions les mesures qui s’imposent. Mais avant d’avoir enfin les produits qui conviennent, au vue de ton âge, et du fait qu’il faut les passer par le port-à-cath, il faudra encore patienter quelques jours. C’est vrai que ce n’est pas évident les soins à la maison. Il faut tout gérer, tout surveiller. On est un peu à l’abandon, mais c’est un choix et nous ne l’avons jamais regretté. Au début, étant épuisée, j’ai demandé aux infirmières de prendre le relais pour la toilette mais rapidement, j’ai constaté que les gestes d’une maman sont irremplaçables. Alors j’ai pris sur moi, tu avais l’air si fragile, que je n’osais te toucher. Et puis rapidement, tout s’est remis en place et je retrouvais ma place. Et toi, tu as su à ta manière me le faire comprendre. Ton père aussi participait. C’est lui qui s’occupait du brossage des dents et du coiffage quotidien. Cela te faisait un bien fou, toi qui avais toujours aimé être propre et beau.

Et les jours passèrent ainsi, il y avait le rituel du matin et celui du soir. Puis nos amis ont tous répondu présent dès notre retour. Un défilé a commencé pour nous relayer auprès de toi, te raconter des histoires, mais pas n’importe lesquelles. On piochait dans ta bibliothèque, et je choisissais tes préférées. La collection des "Monsieur et Madame" et puis bien d’autres encore, comme Winnie l’ourson ou Petit Ours Brun. Eh oui, même à ton age (8 ans et demi), tu t’intéressais encore à tous ces personnages. Peut-être que c’était une façon pour toi de te raccrocher à cette époque, où la maladie n’avait pas encore fait son apparition, où tout était tranquille.

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