87 La rééducation et Nicolas le kinesithérapeute

Du 18 juin 2004 au 16 juillet 2004, tu as été pris en charge pour ta rééducation par Nicolas, un stagiaire en kinésithérapie à Strasbourg. J’aimerais revenir sur cette période plus en détail car ce fut des moments difficiles mais aussi de bonheur. Comme je l’avais déjà relaté, tu es opéré depuis le 25 mai 2004. L’opération aura duré plus de 7 heures. Tout a l’air d’aller bien à ton réveil mais ce n’est qu’en apparence. Tu es conscient, tu nous dit quelques mots et tu n’as pas l’air d’avoir de troubles neurologiques. Mais le 26 mai dans l’après-midi, ton état s’aggrave : tu es agité, tu as des troubles de la conscience et des mouvements anarchiques des membres. L’examen neurologique montre un nystagmus rotatoire et une mydriase bilatérale réactive avec des réflexes symétriques. Tu réponds aux ordres simples et tu présentes des troubles cérébelleux. Le 4 juin, tu passes un IRM de contrôle. Celui-ci montre un élargissement post-thérapeutique du 4ème ventricule, une dilatation du système ventriculaire sus-tentoriel, un élargissement des espaces péri-cérébraux dans les régions temporales et frontale antérieure mais il n’y a pas de signes évidents de récidive tumorale. Tout cela peut paraître un peu barbare mais cela permet de mieux comprendre ton état et de mieux l’imaginer. Des séances de kinésithérapie sont alors prescrites, avec pour objectifs de rééduquer la coordination et la stabilité. Elles seront journalières et d’une durée d’une heure. Lorsque Nicolas te prend en charge, le 18 juin, il constate ce que nous vivons depuis près d’un mois. Tu as des troubles du langage, tu ne parles plus et les troubles cérébelleux sont bien marqués. Tu as un peu retrouvé la vision et tu as toujours des corticoïdes. Tu es très fatigué, ta nuque te fait souffrir lorsque tu te forces à la maintenir plusieurs minutes. Le seul moyen de communication dont tu disposes à ce moment-là sont les gémissements. Pour la plupart du temps, tu es allongé sur ce lit d’hôpital ou installé dans un fauteuil. Mais pour que tu puisses tenir, il faut te caler avec des oreillers pour éviter que tu ne chutes sur le côté car tu n’as plus de maintien postural spontané. Lorsqu’on te met assis au bord du lit extérieur, tu as une attitude cyphotique, ta tête tombe en avant. Cet affaissement complet de tout ton rachis est un signe d’une hypotonie axiale importante. Ta cicatrice est verticale, médiane dans la nuque, sur une longueur de 10 cm. En position assise, tu ne peux maintenir ta tête et tu la laisses tomber en flexion. Ta vision nous inquiète beaucoup mais, par des activités ludiques que je te fais faire, nous constatons que tu es capable de reconnaître les formes et les dessins. Tu fixes pour regarder la télévision et les personnes, mais on voit bien qu’il y a quelque chose d’anormal dans ta vision. Les exercices continuent. Nicolas, le kiné, te demande de résister lorsqu’il te déstabilise les bras brusquement. Tes bras oscillent avant de revenir à l’horizontal. Dans la même position, il te demande de faire un geste que tu détestes et détesteras jusqu’au bout. Tu dois toucher le bout de ton nez avec ton index le plus rapidement possible. Tu trembles à l’approche du nez et ton doigt dépasse la cible. Il y a une dysmétrie aux membres supérieurs. Tu es incapable de faire le signe des marionnettes avec les mains. Tu es incapable de réaliser un mouvement précis pour l’instant. Et c’est la même chose avec les membres inférieurs. En conclusion, pour l’instant, tu es totalement dépendant pour les repas, la toilette, les déplacements, pour t’habiller, en fait pour toutes les activités de la vie quotidienne. Ne parlant toujours pas, nous avons installé un système de communication : pour dire « oui », tu lèves le pouce, et pour dire « non », tu le baisses. A ce stade tu n’as pas d’équilibre, tu ne tiens pas les positions assise et debout et la marche est impossible. La motricité non coordonnée fait qu’il n’y a pas de précision dans tes gestes et tu ne contrôles plus ta force musculaire. C’est comme si on demandait à un nouveau-né de faire ce qu’est capable de faire un enfant de 6 ans. Tu dois tout réapprendre mais nous sommes là et déterminés.

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