183 ONZE MAI

Ce jour est très spécial. Cela fait 17 ans, que ton père et moi, nous nous sommes unis par les liens sacrés du mariage. De cette union sont nés deux enfants, ta sœur, Amélie et toi, Damien. L'année dernière, nous ne l'avions pas fêté comme nous en avions l'habitude. Nous n'avions pas le cœur à cela. Tu n'allais pas bien du tout. Ton état de santé s'était bien aggravé. Nous étions encore à la maison. Mais le lendemain, nous devions retourner à Paris, à la clinique, pour ton traitement.

A chaque anniversaire, ta sœur et toi aviez pris l'habitude d'aller ensemble, accompagnés d'un adulte, nous acheter des présents. Pas n'importe quoi ! Les semaines précédentes, vous guettiez nos souhaits, nos envies. Mais l'année dernière, tu ne pouvais plus. Charger quelqu'un de le faire à ta place n'aurait pas eu le même sens. Alors, nous avons ignoré, tout simplement, cette date du 11 mai.

Cette année, et les années futures, je crois que je n'aurais plus jamais le goût de faire la fête ce jour-là. C'était un moment que nous avions envie de partager avec Amélie et toi, nos deux enfants, nés de cette union. Tu étais un des aboutissements de celle-ci. Aujourd'hui, tu n'es plus là et la famille s'en trouve incomplète. C'est même bien pire ; je ne sais comment expliquer, exprimer ce vide. Une partie de moi a cessé de vivre quand tu t'es endormi. Tu m'as quitté trop tôt, oui, bien trop tôt. Je me suis retrouvée là, toute seule ; malgré le fait d'être entourée, je me sens seule, très seule. Je me sens différente, différente de tous ces gens qui ne savent pas ce que c'est que de perdre son enfant, la chair de sa chair. Beaucoup ne comprennent pas ou bien, ne veulent même pas essayer. Et puis, quand bien même ! Comment pourraient-ils comprendre ? Ils ne peuvent pas se mettre à ma place, ils ne peuvent pas accéder à mon cœur, à mon esprit. Mes émotions me sont propres. Seul Dieu peut me comprendre et m'aider à supporter cette épreuve, cette douloureuse épreuve. Lui seul à la capacité de lire dans les cœurs.

La chaleur et le soleil sont revenus ; il faut donc que je vienne plus souvent sur ta tombe, arroser les compositions florales que j'ai faites pour toi. Mais ça ne me dérange pas, bien au contraire. C'est comme si je m'occupais de toi et j'en ai besoin. La coupure a été trop brusque. Je m'ennuie de toi. J'essaye de ne pas trop y penser, mais ce n'est pas facile. La réalité nous rattrape toujours très vite. Toi, tu ne te rends compte de rien. Mais moi, je subis le temps qui s'écoule.

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