43 Garches (L'urgence)

Nous arrivons vers 20h à l’hôpital. Papy se gare le plus près possible du service. Je lui demande de me laisser descendre avant pour te rejoindre au plus vite. L’inquiétude me gagne de plus en plus. Je te retrouve dans la chambre n°4. Tu es sous oxygène, plusieurs infirmières sont dans la chambre, et enfin un médecin vient nous éclairer sur la situation. Mais avec quel ton ! C’est un médecin de garde, qui n’appartient pas vraiment au service. Il est très désagréable, le ton de la conversation monte. Je m’explique : Il s’adresse à moi en me disant que mon fils n’a pas sa place dans ce service, qu’il devrait être en réanimation à Necker. Je débarque sans comprendre ce qui se passe. Je tombe des nues, déjà, en n'apprenant son coma qu’à Garches, et en plus, il m’annonce sans ménagement que, de toute façon, mon fils va mourir et qu’ils ne peuvent plus rien pour lui. Cela fait beaucoup en quelques minutes ! Il faut vraiment faire preuve de maîtrise de soi parfois pour ne pas leur rentrer dedans. Aucune humanité en ce qui concerne ce médecin. C’est inadmissible pour un service d’oncologie ! je tente de lui faire comprendre que je tombe des nues, de lui expliquer la situation des jours précédents. Mais il n’écoute pas. Je lui dis qu’il n’est pas question qu’il quitte ce service, c’est le Dr. D qui le suit et c’est pour cette raison qu’il a été amené en urgence ici. Il me dit : "Mais, vous attendez quoi de nous ?" Comment le saurais-je sans connaître le diagnostic ? Et puis, je ne suis pas médecin ! Je leur demande d’abord de faire une IRM pour connaître la situation exacte, ça ne sert à rien de parler dans le vide.

Damien part donc faire son IRM dans le bâtiment d’à côté. Incroyable, il doit aller à l’extérieur, sous la pluie, sur un brancard. Incroyable, j’en aurai vu jusqu’au bout. Il est toujours inconscient. C’est très dur pour moi de le voir ainsi. Je n’ai même pas eu le temps de lui dire au revoir. On attendra dans le hall plus de trente minutes. Le médecin sort en premier et me dit sur un ton : "Je vous l’avais bien dit : C’est la tumeur, elle s’enfonce dans le tronc cérébral ..., il n’a plus beaucoup de temps ..." Quel tact ! Comment pouvait-il savoir, il n’avait jamais vu mon fils ? Il ne connaissait même pas le dossier. La preuve : Pourquoi m’avoir demandé ce que je faisais dans ce service ? Je n’allais pas aller dans un hôpital étranger. Si nous étions sur Paris, loin de chez nous, c’est justement parce qu’il était suivi à Garches. Enfin, il propose quelque chose : des corticoïdes à haute dose pour diminuer l’œdème et des soins de confort. Toute l’équipe, enfin, fait un effort pour l’entourer. Je suis toujours entourée de mes beaux-parents. Ton père et ta sœur sont toujours sur la route. Ils ont été prévenus en fin d’après-midi. Ils ont plus de 500 km à parcourir. De plus, il fallait vite rassembler quelques affaires, ne sachant la durée du séjour sur Paris.

Enfin vers 1h00 du matin, ils arrivent, épuisés, mais "contents" d’être là, à tes côtés. Ce fût un moment douloureux pour moi, je commence à relâcher la pression, et je dois tout expliquer à ton père, toutes ces heures passées. Très rapidement, Papy et Mamie emmèneront Amélie, ta sœur, à Ermenonville où ils passeront la nuit. Une infirmière vient nous voir et nous dit qu’un parent peut rester auprès de toi cette nuit, qu’on doit choisir. Pas question de choisir, nous restons tous les deux. Si tu dois nous quitter dans les heures qui suivront, il est normal que tes deux parents soient à tes côtés. Nous nous couchons sur cette petite banquette qui sert de lit, tous les deux, blottis l’un contre l’autre. Nous te surveillons, cet appareil qui donne les battements de ton cœur et le rythme de ta respiration, nous est d’un grand secours mais aussi d’un grand stress. Cette nuit sera bien courte en sommeil, mais, au matin tu seras toujours avec nous, mais toujours dans le coma stade 1. (Autrement dit, tu nous entends, mais tu ne peux pas communiquer comme tu le voudrais). Que c’est difficile ! Voir son fils dans cet état, passer de la vie à cet état en quelques secondes sans y avoir été préparé. On savait qu’un jour cela pourrait arriver, mais pas si vite. Nous étions persuadés que ces nouveaux traitements fonctionnaient. Je n’étais pas prête à te laisser partir, pas comme cela !

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