45 Le transfert

Samedi 16 juin 2007. Ton état est stabilisé, mais aucun commentaire des médecins n’est là pour me rassurer. Puis dans l’après-midi, tu te relèves d’un bon en position assise ; ça me fait peur puis tu prononces quelques mots. Mamie se tenait tout près du lit et tu lui a dit : "Mamie, tu es mignonne .", et à un autre moment, tu as dit autre chose dont je ne me souviens plus qui s’adressait à ton père. Mamie a pleuré en t’entendant prononcer ces mots. Puis, plus rien … Ce sera les derniers mots que tu prononceras. Quelques heures après, tu feras une crise d'épilepsie et tu passeras en coma de stade 2. Je revois encore ton visage tout tendu et tes yeux fixés et cette peur dans tes yeux. Les médecins ont voulu nous faire sortir de la chambre mais pas question de les laisser faire. Je voulais rester à tes côtés. Je me souviens m’être assise sur le lit tout près de toi en te donnant la main et en te caressant la joue pour essayer de calmer la crise. Je me demande encore aujourd’hui, comment j’ai fait pour ne pas paniquer, comment j’ai pu trouver cette force de faire tout cela. Je crois qu’au fond de moi, je savais que c’était la meilleure chose à faire et qu’il fallait, coûte que coûte, m’oublier et ne plus penser mais agir.

Ne sachant combien de temps tu tiendrais, nous avons « remué ciel et terre » pour que tu puisses rentrer à la maison et que les soins palliatifs y soient mis en place. Pas question de te ramener en Alsace décédé. Il fallait à tout prix que tu saches que tu étais à la maison, chez toi. Je me souviens que c’était ton souhait. Jamais, tu n’aurais voulu que ta fin de vie, si courte, se termine à l’hôpital. Entre temps, toute la famille, venue des quatre coins de la France, s’est relayée pour être à ton chevet dans la chambre. Il fallait que tu sentes qu’on était tous près de toi. Quel foin cela a fait dans le service ! Le médecin s’est même fâché de voir tout ce monde. A mon tour, je me suis fâchée en lui disant : « Vous avez dit que mon fils va mourir alors, pas question qu’il meure seul, sinon laissez-nous rentrer maintenant à la maison avec lui ... »

Lundi, tout était organisé pour rentrer en Alsace. Une ambulance nous a permis de quitter l’hôpital de Garches à 15h00. J’ai dit aux ambulanciers : "Quoi qu’il arrive, vous tracez …" J’ai eu une frayeur sur la route : à un moment donné, ton ballon d’oxygène ne se gonflait plus. On a dû s’arrêter en urgence pour changer la bouteille d’oxygène. En fait, il croyait qu’il fallait régler l’oxygène à 3litres et c’était à 6litres par heure. Alors évidemment, ça n’est pas la même consommation. Nous n'avions que 2 bouteilles d’oxygène dans l’ambulance alors évidemment, ça n’a pas suffît. Nous avons donc dû faire un détour par l’hôpital de Colmar pour récupérer une autre bouteille. Quel stress, ce voyage ! je t’ai parlé tout le voyage, je te caressais, pour que tu puisses sentir ma présence, pour aussi et surtout te rassurer. Enfin, après 6 heures de long voyage, on arrive à la maison. Il est 21h00. Toute une équipe nous attend (les infirmières, l’association Air et nos amis). Tout était près pour t’accueillir. Ton lit avait été descendu dans notre chambre, à côté du notre. Ainsi, nous pourrions te surveiller, notre chambre étant juste à côté des pièces à vivre. Nous avons retiré la porte pour toujours bien t'entendre et te voir en permanence. Enfin je soufflais un peu, je savais que ça ne serait pas facile pour la suite mais être à la maison, c’était quand même une autre ambiance ...

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